dimanche 8 avril 2012

John Dewey, La formation des valeurs

Pour Dewey, ce qui distingue le comportement humain du non humain est son orientation vers une fin, en vertu de la capacité humaine de former des désirs. L'auteur distingue le désir du souhait ou du fantasme, et se trouve ainsi en accord avec le sens commun qui distingue les désirs raisonnables des désirs aveugles ou à courte vue. Le désir, capacité d'orienter les actions vers une fin, prend toujours en compte les moyens de sa réalisation, et peut être modifié en fonction du coût demandé par la mobilisation de ces moyens. Dès lors Dewey refuse la distinction entre une rationalité instrumentale et une rationalité orientée vers des valeurs. Toute conduite humaine s'orientant vers la création d'un état plus désirable que l'état présent, doit évaluer les moyens disponibles pour s'effectuer. Ces moyens sont plus ou moins coûteux, plus ou moins désirables. Le moyen est aussi une fin, et toute finalité est le moyen d'autre choses : il n'y a pas de fin dernière ou en soi (si je recherche le bonheur c'est que cet état rendra mes actions futures plus aisées ou plus plaisantes).../... 
.../... Dès lors, la science (et non la métaphysique) est-elle capable de hiérarchiser (évaluer) les valeurs, de cesser de les considérer comme arbitraires ou relatives ? Peut-elle comprendre comment se forment les valeurs ? Dewey montre comment on peut répondre positivement à ces deux questions. La science, dont le progrès est lui-même une valeur, a commencé à donner des résultats satisfaisants lorsqu'elle a cessé de se référer à des idées a priori pour tendre à des « fins en vue de ». Ainsi la santé n'est pas la fin que le médecin a en vue, il a en vue la guérison d'un mal donné que subit un patient donné. Si la méthode qu'il préconise est efficace c'est qu'elle est utilisée après une enquête menée sur le patient et sur le mal donné. Une théorie de la valuation doit elle aussi procéder par enquêtes. Il faut donc se demander, en sciences sociales, quels problèmes se posent à un groupe social et ce qu'il met en place pour y répondre. On pourra alors découvrir, par exemple, que les normes de conduite suivies par un groupe sont le produit d'une stratégie d'une classe sociale et dominante pour servir ses propres intérêts. Ces normes dérivent le plus souvent elles-mêmes de valuations. C'est parce qu'on a désiré parvenir à tel état donné que l'on a adopté dans le passé telle conduite (rationnelle par rapport à la fin donnée). Cette conduite s'est transformée en habitude, en norme. Mais l'on peut toujours réinterroger la finalité si elle apparaît plus indésirable. Dewey rappelle que « la valeur de la conclusion en science, est définie par sa capacité à résoudre un problème posé. » Elle n'est pas jugée à l'aune d'une idée a priori et c'est en quoi elle est efficace. Les sciences sociales doivent imiter ce modèle.




Ce texte n'est pas de nous



  • Editeur : Les Empêcheurs de penser en rond (17 février 2011)
  • Collection : La découverte
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2359250442
  • ISBN-13: 978-2359250442

Biographie de l'auteur

John Dewey (1859-1952) est un des philosophes américains à l'origine du pragmatisme. Alexandra Bidet et Louis Quéré sont chercheurs au CNRS ; Gérome Truc est actuellement membre de l'Ecole française de Madrid (Casa de Velàzquez).