samedi 29 décembre 2012

La connerie et la complicité dans l’illusion


Un con peut être un spécialiste, un grand connaisseur. La connerie résidera alors dans l’absence d’humilité, qui tôt ou tard se retournera contre le vaniteux moqueur ou trop exigeant. Car si l’on exige de l’autre une même aptitude  que soi, un même savoir ; si l’on exige une obéissance aux règles, il convient alors de les respecter soi-même scrupuleusement. Celui qui exige une parfaite connaissance de l’orthographe et qui se moque d’autrui dans le cas contraire, et qui est pris en défaut, passera nécessairement pour un con. Il a perdu de vue son humanité et celle de l’autre, et ainsi, non seulement l’erreur toujours possible, mais aussi le respect. Il est alors détaché d’une partie du réel.Idem pour l’individu satisfait de lui-même, plein de certitude et de culture, mais il ne fait qu’énoncer des banalités, des écueils sans en avoir la moindre idée. La suffisance est le plus sûr chemin vers la connerie…/…
L’être humain n’est pas guidé exclusivement par ses facultés rationnelles. Passion, désir, émotion, etc. sont une part importante de ce qu’il est. Quand cette part surpasse la raison dans un sens qui est plein d’illusions et d’erreurs potentielles ou réelles, alors nous pouvons avoir un comportement de con. Cela montre que la connerie est toujours présente, toujours prête à s’imposer, et que notre lucidité, notre ouverture au monde, que notre aptitude à rejoindre la réalité doivent demeurer vigilantes. Seul un être susceptible d’être intelligent peut être con. C’est en ce sens que Rousseau écrit : « Pourquoi l’homme seul est-il sujet à devenir imbécile ? » (Discours sur l’inégalité) Parce qu’il peut être intelligent, à savoir : juger, réfléchir, penser…/…
Qu’il s’agisse du gros con qui manque de psychologie élémentaire et de moralité dans ses relations avec les autres ; qu’il s’agisse du petit con suffisant qui méprise l’expérience et ce qu’il considère comme « has been », etc., on constate que la connerie est toujours un écart par rapport au réel, à ce qui convient, à ce qui est juste, précis, en relation avec les choses , écart qui ne devrait pas être dans la mesure où il est légitimement supposé que la personne a tous les moyens de ne pas être conne. La connerie est une inadéquation constante, têtue et surprenante qui sépare l’homme de lui-même, des autres et du monde. Elle est ainsi liée à la psychologie, à la morale, à la rationalité, à l’expérience. Si la connerie est un manque, elle est ce vide, ce déséquilibre qui sont une carence de l’intelligence. C’est dans la mesure où l’on est capable d’intelligence qu’on peut être con. Notre comportement, notre relation au monde est toujours menacée par la connerie précisément parce que le monde dans lequel nous vivons exige une adaptation. L’intelligence demeure alors en danger, en recherche perpétuelle pour maintenir un équilibre qui n’est pas donné a priori. Toute intelligence est risque, et tout risque est celui de la connerie.
Ce texte n’est pas de nous mais de  Denis Faïck  . Pour Lire l’intégral de l’article  lien

mercredi 12 décembre 2012

La raison des émotions. Réflexivités affectées


Bienveillance et intelligence : ce que nous fait la parole de l’autre

Parmi les invités d’Infusoir en février, Julie Henry a écrit un billet, Les commentaires : espace et outil de réflexivité, ou occasion d’exprimer ses marottes ? Ce billet a déclenché des discussions intéressantes et assez nombreuses car, parmi les blogueurs, tous se sont sentis concernés par la question du commentaire. Son commentaire sur le commentaire faisait une certaine place à l’affect puisqu’elle y parlait de bienveillance et de bénévolence :
[…] on bénéficie enfin de ce regard extérieur si précieux, qui nous permet de voir dans notre réflexion même ce que nous n’avions pas perçu. On citera comme exemple ce regard lucide et bienveillant tout à la fois, qui formule les choses avec une clarté que nous n’avions jamais atteinte, ou encore cette lecture intelligente qui décèle le maillon manquant dans une argumentation qui ne nous satisfaisait pas, sans que nous puissions pour autant mettre le doigt sur ce qu’elle avait d’insatisfaisant ou de non convaincant.
Cette “bienveillance” ne figure pas vraiment dans les apprentissages de la discussion scientifique en France, si tant est qu’ils existent d’ailleurs. Mais elle est présentée ici comme totalement liée à l’intelligence et cette articulation s’incrit dans une conception du savoir qui se développe beaucoup actuellement en philosophie et en épistémologie : l’ouverture de la catégorie épistémique à d’autres catégories, réputée plus subjectives, en particulier l’émotion et la vertu. J’ai cité Damasio pour l’émotion et je pense à Engel par exemple pour la vertu, qui explique dans Épistémologie pour une marquise que les savoirs possèdent des dimensions morales et pourquoi il faut supposer une norme cognitive, c’est-à-dire des valeurs aux savoirs. Sur un autre carnet, qui se construit lentement mais qui deviendra sans doute aussi une belle villa, Penser la recherche, Léo Coutellec a rédigé une série de trois billets sur la “démocratie épistémique“, où il défend l’idée qu’il existe une subjectivité et une dimension axiologique de la vérité. Je le suis entièrement sur ce point, car il s’inscrit dans une pensée robuste et novatrice (et… vraie, je le pense avec émotion !) actuellement sur la question.

La part du père : chercher qui nous sommes, toujours

En juillet, Benoît Kermoal ajoute une seconde pierre émotionnelle, dans un billet marquant, au titre magnifique : « Revenant d’Éragny, avec toujours cette violente émotion»: ma part de réflexivité. Enklask a choisi un dispositif où l’émotion est dite implicitement : le billet fait alterner le discours de l’historien et des encadrés plus personnels, qui déploient une parole adressée à un “tu”, le “tu” du père, jamais nommé cependant. C’est dans l’espace de l’articulation de ces deux discours que se trouve une sorte de réservoir émotionnel activable par le lecteur, pour peu, évidemment, que cet interstice lui parle, ou qu’il l’entende. Cet entre-deux est celui des raisons profondes pour lesquelles nous faisons ce ce que nous faisons, pour nous, de la recherche : “par nécessité”, écrit-il. “On ne peut pas se soustraire au monde” avait-il déclaré plus haut, et il faut sans doute comprendre dans ce “monde” toutes ses composantes subjectives, sentimentales, émotionnelles, tout ce qui nous fait humain, en somme. Il cite également cette belle remarque de Philippe Artières : “À quoi sert l’histoire : à  rester en vie”.


Ce billet n'est pas de nous lire sa totalité ici