dimanche 24 février 2013

Être et « vouloir être »


Conversion et herméneutique du soi

24À l’instar du sociologue Sébastien Tank-Storper [Tank-Storper 2007] qui les conçoit comme des modes de « compréhension du soi impliquant une transformation personnelle », nous proposons que les processus de changement de religion contemporains participent de projets de construction du soi intimement liés à certaines notions d’intériorité typiquement modernes. Les phénomènes de conversion sont emblématiques de cette conception dynamique du soi qui, comme le montre Charles Taylor [Taylor 1989], puise sa source dans des références morales. Selon ce philosophe, un tel rapport éthique au soi se produit et se manifeste à travers un ensemble de pratiques quotidiennes et selon des modes narratifs qui établissent l’articulation de l’individu à la société. Il rejoint à cet égard la pensée de Michel Foucault [Foucault 2001] qui, en formulant le concept d’herméneutique du soi fournit des outils théoriques essentiels pour formaliser la dimension subjective des conversions actuelles.

Souci du soi et technologies pratiques

25La notion d’herméneutique du soi introduite par Foucault se situe au cœur de sa réflexion sur la constitution du sujet contemporain. Il réfère ainsi à un processus constant d’autoconstitution éthique que l’individu élabore à travers un ensemble de pratiques exercées sur le soi. Selon cette lecture inspirée des philosophies grecque et romaine antiques, le sujet se construit par un effort continu de retour vers le soi qui lui permet de s’auto-constituer dans le cadre d’une conduite morale. Ainsi, les opérations que l'individu s’impose à lui-même définissent un code éthique, soit un ensemble de pratiques caractéristiques d'un certain style de vie. Parmi les procédures offertes au sujet, Foucault identifie l’impératif du souci de soi-même (epimeleia heautou) qui a traversé la philosophie antique de Socrate jusqu'à l'ascétisme chrétien, pour imprégner aujourd'hui le mode d'être du sujet moderne. Il engage donc le sujet à mobiliser « un certain nombre d'actions, actions que l'on exerce de soi sur soi, actions par lesquelles on se prend en charge, par lesquelles on se modifie, par lesquelles on se purifie et par lesquelles on se transforme et on se transfigure » [Foucault 1994, p. 12]. Ce processus de subjectivation ou de « constitution du sujet » s’appuie sur un ensemble de technologies pratiques qui visent à développer un rapport au soi déterminé. Ainsi, selon la philosophie grecque antique, l'acquisition comme l'inscription de vertus morales relèvent de la justesse de la gestuelle, des comportements corporels, et de diverses pratiques exécutées selon les formes prescrites.

C'est qu'un extrait de l'article de Géraldine Mossière qu'il est possible de lire dans son intégralité sur Théorème  in La conversion comme voie d'herméneutique du soi

vendredi 22 février 2013

LE CARE : ÉTHIQUE, GENRE ET SOCIÉTÉ




Qu'est-ce que le care? Apporter une réponse concrète aux besoins des autres. Telle est, aujourd'hui, la définition du care, ce concept qui ne relève pas du seul souci des autres ni d'une préoccupation morale spécifiquement féminine, mais d'une question politique cruciale recoupant l'expérience quotidienne de la plupart d'entre nous.
Le care concerne aussi bien le domaine de l'éthique que ceux du genre, du travail et de la santé, et nous donne une idée de ce que pourrait être une véritable politique de l'ordinaire.

lundi 11 février 2013

L’éthique reconstructive par Jean-Marc Ferry


Que veut dire être moral ? 
Ce n’est pas seulement vivre selon la vérité. Autrui appelle à être reconnu pour lui-même et pas seulement à travers ses prétentions à la validité. Sa personne n’est pas soluble dans les raisons qu’il met en discussion. Lorsque d’aventure ses raisons ne sont pas reconnues valables, lors même que son identité n’est pas assurée, autrui n’en est pas moins à considérer dans un droit justifiant que ses intérêts soient pris en compte dans la décision pratique finale. Il y a, autrement dit, une substantialité d’autrui comme personne qui, en tant que sujet de droit, est davantage qu’un porteur d’arguments. Le Soi est plutôt la totalité de l’existence propre [1], et pour autant que cette totalité ne se définit pas sur un horizon seulement mondain (ne se clôt pas dans la mort), la personne est rigoureusement indisponible [2], par quoi l’ascription de la dignité humaine ne saurait dépendre d’aucune condition sociale ou autre. Si l’on accepte l’idée d’une telle inconditionnalité de la dignité humaine, dont le concept théologique aide à préciser l’intuition, alors être moral ne signifie pas seulement se lier à la raison des arguments, mais aussi : respecter la personne en tant que telle. 
Cela veut dire : la respecter indépendamment de tout positionnement de sa part, indépendamment même de sa participation à une communauté d’argumentation, qu’elle soit actuelle ou virtuelle. L’expérience d’autrui est comme le témoin donnant à comprendre qu’être moral ne consiste pas seulement à s’indexer à la vérité en se liant à la loi de l’argument meilleur : « No force except that of the better argument in exercised ! ». Être moral, c’est aussi bien considérer autrui dans sa vulnérabilité, à travers les expressions qui trahissent ses convictions, ses croyances, ses préoccupations, ses aspirations, ses espoirs, ses désirs, ses peurs. Être moral, c’est donc aussi se préoccuper d’autrui sous l’aspect substantiel de ce qu’il éprouve de façon vitale. C’est se décentrer par conséquent dans un souci de l’autre dont on sent plus ou moins obscurément qu’il devraitpouvoir égaler le souci de soi-même. 
C’est ainsi que Hegel pouvait relier la structure de l’esprit à celle de l’amour ; car l’amour est cette figure de la reconnaissance de soi dans l’autre, qui nous suggère que la conscience individuelle ne se réalise qu’en se transcendant, qu’en sortant de soi-même pour se porter vers autrui. Dans l’amour, expliquait Hegel, « j’ai ma conscience de soi non pas en moi-même mais dans l’autre », tandis que cet autre « est de même hors de soi-même, il a sa conscience de soi seulement en moi, et tous les deux nous sommes seulement cette conscience de leur être hors de soi et de leur identité » [3]. Aussi l’existence d’autrui est-elle davantage que ce qu’implique l’idée d’un fondement intersubjectif du sens et de la validité en général. L’existence d’un autrui substantiel est plutôt ce à quoi se réfère le principe d’une reconnaissance réalisée dans la communauté éthique de ceux dont l’essence consiste à exister dans les autres ; autrement dit : les personnes. Concurremment au principe de vérité, le principe de reconnaissance sous-tend la morale en général et l’éthique communicationnelle en particulier. Cela revient à situer l’éthique au-delà du registre strictement argumentatif. Cet au-delà est celui d’une éthique reconstructive
C'est un fragment de l'article de Jean-Marc Ferry sur raison-publique.fr 
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